Résumés des interventions

  • Mathieu Arsenault : Les pétitions autochtones comme outil d’intégration des régions périphériques à l’État colonial au Canada, 1840-1860

Dans la Province du Canada, les décennies 1840 à 1860 sont marquées par une croissance exponentielle de la population coloniale, de même que par l’ouverture de nouvelles régions de colonisations en périphérie de la vallée laurentienne. À partir de l’étude comparative des pétitions adressées à la Couronne par les Innus du Domaine du roi (Québec) et les Anichinabés au nord des lacs Huron et Supérieur (Ontario) durant cette période, nous retraçons l’émergence d’un discours politique autochtone marqué par les relations tendues entre les Premières Nations en marge de l’espace colonial et le centre du pouvoir étatique. Face aux pressions sur le territoire et les ressources engendrées par l’expansion de la population euro-canadienne, ces communautés mobilisent alors un discours et des revendications politiques spécialement conçus afin de négocier leur intégration au sein de l’espace colonial tout en préservant des rapports de nation à nation avec la Couronne. Cette nouvelle perspective mettant en valeur la participation active des Autochtones à la construction du territoire colonial permet de reconsidérer leurs interactions avec l’État par rapport à la signature de traités et à la dépossession territoriale. Il en ressort que les canaux de communications entretenus par les Premières Nations grâce à la pratique pétitionnaire leur ont permis de s’imposer comme des acteurs historiques investis dans le processus d’intégration de leurs territoires au sein de la colonie canadienne. Ce faisant, elles ont aussi contribué – à l’intérieur des limites de leur marginalisation croissante en tant qu’acteur politique suite à l’avènement du gouvernement responsable (1848) –, à la redéfinition de la politique indienne au milieu du 19e siècle.

Indigenous petitions as tools for the integration of peripheral regions into the colonial state in Canada, 1840-1840.

In the Province of Canada, the period 1840-1860 is defined by the opening of new regions of colonization in the periphery of the St-Lawrence valley in response to a rapid growth of population. Based on the comparative study of petitions addressed to the Crown by the Innu of the Domaine du Roi (Quebec) and the Anishinabeg on the north shores of Lakes Huron and Superior (Ontario) during this period, we trace the emergence of a political discourse shaped by the tensions opposing First Nations on the fringes of the colonial space and the colonial politicians governing from the capital. Faced with increase pressure on the territory and its resources, indigenous communities mobilized a political discourse specially designed to negotiate their integration within the colonial sphere while preserving a nation-to-nation relation with the Crown. This new perspective, highlighting the active participation of Indigenous people in the construction of colonial territory is an invitation to reconsider treaty making, colonial land dispossession and the expansion of the colonial state. Thanks to their voices materialized in the petitioning practice, First Nations open and maintain communication channels allowing them to be political actors involved in the integration of their territories into the Canadian colony. In doing so, they contributed – within the limits of their growing marginalization following the advent of responsible government (1848) – to the redefinition of Indian politics in the mid-19th century.

  • Edouard Baraton, Université de Rouen Normandie : L’émergence du Québec et le facteur gaullien : malentendus à propos d’un pis aller territorial  »

Alors que la Révolution tranquille entrainait une redéfinition progressive de l’identité canadienne française au Québec vers une approche territorialisée, l’affirmation internationale de la Belle Province devint un enjeu important pour les autorités provinciales. Durant les années 1960, le gouvernement libéral de Jean Lesage puis celui de l’Union Nationale de Daniel Johnson appuyèrent leur politique d’affirmation sur la scène canadienne, face à l’Etat fédéral, sur la recherche d’une autonomie provinciale sur la scène internationale. Dans ce jeu, la France gaullienne joua un rôle singulier. La stature du chef de l’Etat français, engagé dans une politique de singularisation de son action au sein de l’ensemble occidental, en fit un partenaire recherché par les autorités québécoises et, qui plus est, un interlocuteur enthousiaste.

Le résultat de ces interactions fut, comme cela a été noté par les analystes comme par l’historiographie (S. Paquin entre autres), de donner une visibilité nouvelle à la province, ce qui servit le dessein autonomiste puis indépendantiste d’une partie de ses élites. On a ainsi pu associer au Canada le souvenir de de Gaulle et de ses épigones dans l’appareil d’Etat français, le « lobby québécois », à l’idée d’un soutien français au séparatisme strictement québécois, nettement territorialisé.

Mais était-ce là le but visé par les acteurs français ? Pour répondre à cette question, il faut exhumer dans la rhétorique employée les éléments saillants afin de sous-peser le poids de la réalité territoriale québécoise comme espace visé par une volonté de transformation statutaire. Il faut aussi inventorier les actions émanant de la partie française et orientées vers l’espace canadien pour mesurer ce que le territoire québécois représentait. Enfin il faut aussi analyser ce qui dans le droit interne français des années 1960, permet de comprendre les conceptions qui avaient alors cours à Paris.

A la lumière de ces éléments, il apparait que le Québec, en tant que proto-Etat, a largement, et habilement les bénéfices qu’il désirait obtenir d’une action française pour laquelle il ne représentait au fond qu’un élément accessoire. 

  • Joel Belliveau : Rameau de Saint-Père : Passeur des idées du « printemps des peuples » dans les régions acadiennes ?

Edme François Rameau de Saint-Père est reconnu comme ayant joué un rôle déterminant dans la naissance d’une idéologie nationale spécifique aux régions acadiennes au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. Il est en effet devenu presque rituel de présenter la dite « Renaissance acadienne » comme découlant, intellectuellement parlant, pour une part des effets du poème Evangeline, de Henry Longfellow, et pour une autre part de l’influence de Rameau.

Il n’est pas question, ici, de remettre en question cette conclusion. L’historien, notable et voyageur français a de toute évidence eu un impact hors du commun sur l’évolution des discours politiques et mémoriels acadiens de l’heure. Entre ses deux ouvrages historiques (1859 et 1877), ses deux voyages dans les régions acadiennes et ses échanges épistolaires soutenus avec les premiers notables et intellectuels acadiens, Rameau incarne presque la figure d’un oracle : il a instruit les Acadiens sur leur passé, leur a conféré du courage à l’égard de leur situation présente et leur a suggéré des projets pour l’avenir.

Toutefois, le rôle de passeur de Rameau auprès des Acadiens n’a pas encore fait l’objet d’une recherche fouillée. Bien que l’on note dans plusieurs travaux qu’il conseille la colonisation des terres et l’adoption d’une fête nationale, et bien qu’il existe quelques textes sur Rameau en tant qu’historien (Pierre Trépanier, Patrick Clarke), nous comprenons encore mal quels liens on doit tisser entre son identité politique en France, les idées qu’il a véhiculées aux Acadiens, et la réception et l’adaptation de ces idées par l’intelligentsia acadienne naissante.

Cette communication tentera de palier partiellement à ce manque en se penchant sur les écrits de jeunesse de Rameau, c’est-à-dire de sa période de républicain révolutionnaire mais catholique. Peut-on tracer des liens entre la pensée du moment 1848 pan-européen – libéral, républicain, révolutionnaire – et la manière dont Rameau appréhendera la situation des Acadiens une douzaine d’années plus tard? La Renaissance acadienne serait-elle liée de plus près qu’anticipé au « printemps des peuples » européen ?
  • Maggie Bowers, University of Portsmouth : Locality and the Glocal in the writing of Eden Robinson

The co-existence of local and global influences/significance has been widely recognised in indigenous studies. Haisla and Heiltsuk writer Eden Robinson (from the North West Coast of the region known as Canada) produces work that speaks to the complexity of this interaction. Her work draws together glocal aspects in her writing to situate her narratives geographically, politically, historically and culturally. The significance of the locations vary from the detailed geographical and cultural knowledge of a small piece of ground (eg. Monkey Beach), to the regional (eg. Kitamaat and its relation to Haisla), to the greater region (eg. the influence of Vancouver on the lives of the villagers). This is placed into a narrative that reveals both trans-regional solidarity between indigenous peoples against the pervasive colonial influence of globalisation and capitalism. Yet, Robinson’s work allows for the interplay between these aspects and it is from this that she creates her distinctive voice. This paper will examine the presentation of the glocal in Robinson’s work to identify this unique position from which her work of indiegenous resistance begins.

  • Timothy van den Brink et Frédéric BoilyRetour du régionalisme en Alberta? 2015-2020

De nombreux observateurs ont parlé d’un retour du régionalisme à saveur populiste et de la Western Alienation dans la campagne électorale provinciale du Parti conservateur uni en avril 2019, ce qui a culminé après la victoire de Justin Trudeau lors des élections fédérales en octobre 2019. En effet, la campagne du chef des conservateurs-unis, Jason Kenney, a suscité de nombreuses questions quant aux tactiques et stratégies politiques poursuivies. Pour certains observateurs, Kenney était porteur du régionalisme albertain qu’il opposait à l’identité canadienne avec une rhétorique anti-Ottawa et anti-Colombie-Britannique. De plus, l’élection de Justin Trudeau sans sièges en Alberta ou en Saskatchewan a abouti à des appels de la droite pour un WEXIT (Independence de l’ouest Canada). Pourtant, un examen plus approfondi du Western Alienation nous amenés à nous demander s'il s'agit d'un mouvement régionaliste, ou en fait simplement provincialiste. Cette communication s’agit d’une explication de la place du Western Alienation en politique conservatrice canadienne.
Cette communication commencera par explorer brièvement sur le plan théorique et à partir de sondages, le concept de régionalisme et de la Western Alienation. C’est ce qui nous permettra par la suite de parler des intellectuels qui ont cherché à réactiver le thème du régionalisme et de la Western Alienation. Nous terminerons avec un examen de l'usage du régionalisme en politique de 2015 à 2020. Cela commencera par le conservateurs-unis de Jason Kenney, et les partis indépendantistes provinciaux. Nous discuterons ensuite des conservateurs fédéraux d'Erin O'Toole et d'Andrew Scheer, ainsi que du parti Maverick de Jay Hill, alors que ces acteurs interprètent le régionalisme conservateur à leur manière.

A number of observers have discussed the populist return of regionalism and western Alienation, notably in the United Conservative Party’s 2019 campaign, and culminating after Justin Trudeau’s victory in the 2019 federal election later that year. Indeed, the leader of the UCP, Jason Kenney, has received a number of critiques regarding his political tactics. For some, Kenney is the flag bearer for Western, or Albertan, regionalism, which he juxtaposes with Canadian identity through anti-Ottawa and anti-British Columbia rhetoric. Furthermore, the election of Justin Trudeau without Alberta or Saskatchewan’s support culminated in right-wing cries for Western independence.  Yet, a closer look into Western Alienation leads one to ask if this is a regionalist, or in fact simply provincialist movement. Our presentation seeks to explain the place of Western Alienation in Canadian conservative politics.

This presentation will briefly explain, using theory and public opinion surveys, the concept of Western Alienation. This will permit us to discuss the intellectuals who have reactivated this theme. Lastly, we will examine the usage of regionalism in politics from 2015-2020. This will begin with the United Conservative Party of Jason Kenney, as well as the provincial independence parties. We will then discuss the federal conservatives of Erin O’Toole and Andrew Scheer, as well as the Maverick Party of Jay Hill, as these actors interpret conservative regionalism in their own way.

  • Éric Cardinal : De nations à nation : destins entrecroisés des peuples autochtones et québécois

Au Canada, les québécois forment une nation distincte qui, historiquement, entretient des relations bien particulières avec les peuples autochtones. Il suffit de regarder avec attention l’évolution de la nation québécoise et celles des Premières Nations jusqu’à aujourd’hui, depuis leurs premières rencontres sur ces terres d’Amérique du Nord, pour comprendre que le destin de l’un et des autres sont intimement liés.

Entre le peuple québécois et les Premières Nations, de Kebek à Québec, cinq siècles de destins s’entrecroisent. Le phénomène est notable, à tel point que certains affirment que la nation québécoise est aujourd’hui un peuple autochtone, fruit du métissage entre les blancs venus d’Europe et les premiers peuples d’Amérique. D’ailleurs, Samuel de Champlain, le fondateur de la ville de Québec, avait cette vision d’une société métissée qu’il souhaitait bâtir en terre d’Amérique. Il disait aux autochtones « Nos fils épouseront vos filles. Nous formerons ensemble une seule et même nation. »

Des siècles plus tard et même davantage depuis quelques années, de plus en plus de québécois revendiquent une identité autochtone. Ces « autochtones autoproclamés » sont essentiellement des descendants de navigateurs venus d’Europe il y a plus de 400 ans. Ils utilisent cette ascendance pour réclamer une identité autochtone. Dans les faits, ce phénomène de revendication d’identité est en augmentation au Québec depuis une décision de la Cour suprême du Canada, en 2003, qui a énoncée une série de critères pour la reconnaissance métisse.

Cette autochtonisation de l’identité québécoise est aussi au centre de la thèse du documentaire « L’Empreinte », écrit et réalisé par Carole Poliquin et Yvan Dubuc. C’est le célèbre acteur québécois Roy Dupuis qui en assure la narration. Ce dernier mène des entrevues avec différentes personnalités québécoises afin de confirmer son intuition que la culture québécoise est le fruit d’un important métissage culturel avec les peuples autochtones. En examinant notamment les propensions des québécois à la solidarité, à l’équité et à l’égalité, tout comme leur amour pour la nature et leur soif de liberté, le documentaire apporte de l’eau au moulin à ces québécois qui se disent former une nation métisse.

Il est vrai que l’histoire des québécois, qu’on surnommait auparavant « canayens » ou canadiens, puis canadiens-français après la conquête, est intimement liée à celle des autochtones depuis les cinq derniers siècles. Il est reconnu que les liens entre les Amérindiens et les habitants de la Nouvelle-France étaient tissés très serré. À tel point qu’il est raisonnable d’affirmer que la nation québécoise distincte n’existerait pas, si ce n’était des relations particulières entretenues avec les peuples autochtones au fil du temps.

On parle beaucoup de colonisation, ou plutôt de décolonisation en ce moment en Amérique. Mais il est important de remettre les choses en perspective. Alors que les Espagnols, dont l’illustre Pizarro, avaient tendance à massacrer tout ce qui bougeait et que les anglais dans les treize colonies s’appropriaient avec force les territoires qu’ils convoitaient, les français cherchaient plutôt à créer des alliances. À ce titre, la Grande Paix de Montréal en 1701 est un exemple concret de la volonté française de construire une société interreliée.

En 2008, la Ville de Québec n’aurait pas fêté son 400e anniversaire si ce n’était de la volonté des Innus, il y a 4 siècles, disposés à permettre aux français ayant récemment « découvert » l’Amérique du Nord d’ériger des installations permanentes sur des terres situées « là où la rivière se rétrécit » (Kebec).

On ne parlerait pas non plus des 400 ans de Québec si les Iroquois n’avaient pas abandonné Stadaconé, le village sur lequel les Français ont ensuite bâti leurs premières habitations. Il est aussi fort probable que l’on ne parlerait plus la langue de Molière en Amérique si les Français n’avaient obtenu le support de nombreux alliés amérindiens dans leur guerre contre les britanniques. On se souviendra d’ailleurs que lors des nombreux conflits armés qui précédèrent la conquête anglaise, mis à part les Iroquois, tous les autochtones combattaient aux côtés des Canadiens. Du côté anglais, on avait nommé ces conflits « The french and Indian war ».

Bref, Québec ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans l’apport crucial des Premières Nations dans la fondation de cette « belle province » et de cette « nation québécoise ». Et si la Nation québécoise doit son existence aux alliances avec les Premières Nations, la réciprocité est aussi vraie.

On peut aussi soutenir que la Proclamation royale de 1763, cette « Magna Carta » des Premières Nations du Canada, aussi connue sous le nom de « la grande charte amérindienne », n’aurait pas existée si les relations entre la population française et Premières Nations n’étaient pas si étroites.

Constatant la fragilité des relations avec les Premières Nations et craignant vraisemblablement de nouvelles insurrections, le roi George III entérine en octobre 1763 la Proclamation royale, premier document constitutionnel encore en vigueur aujourd’hui, reconnaissant les droits des Premières Nations, notamment sur leurs territoires ancestraux, désignés comme « terres indiennes ». Ce document représente le fondement du régime des droits des autochtones au Canada et il est toujours invoqué en appui aux revendications territoriales.

L’ensemble des décisions politiques et juridiques prises au cours des siècles convergent vers deux constats importants.

En premier lieu, il y a lieu de constater que les premiers peuples qui occupaient ce territoire depuis plusieurs milliers d’années avant l’arrivée de Jacques Cartier en 1534 ont permis l’établissement de la colonie de la Nouvelle-France, en plus d’être un facteur déterminant dans la création et la construction de ce que l’on appelle aujourd’hui le Canada. Le nom même de Québec — qui ne représente pas seulement une ville, mais qui est le symbole de toute une nation — est, en réalité, un nom autochtone, illustration frappante du lien historique qui unit la nation québécoise aux Premières Nations.

En fait, l’alliance entre les peuples a été si déterminante que la nation immigrante française, il y a 500 ans, a intégré dans son vocabulaire le plus symbolique et représentatif plusieurs expressions de langues autochtones. Outre Kebec, on pourrait aussi évoquer des dizaines d’autres noms de lieux qui sont des emprunts directs aux différentes langues autochtones : Kanata (Canada), Outaouais, Chicoutimi, Chibougamau, Gaspé, Rimouski, Yamaska, Coaticook, Tadoussac, Natashquan, etc.

Deuxième constat, les Premières Nations possèdent des droits particuliers, parce qu’elles sont de réelles nations avec tout ce que cela signifie, et parce que les régimes politiques successifs, de la Nouvelle-France jusqu’au Canada actuel, n’ont jamais éteint ou remis en question de quelconque façon les droits territoriaux et politiques de ces Nations, qui occupaient le territoire bien avant l’arrivée des Européens. Depuis, ce sont les principes d’une relation « de nation-à-nation » qui ont guidé les politiciens, cherchant à créer ou maintenir une cohabitation harmonieuse sur le territoire.

Dans l’histoire récente, des nationalistes québécois comme René Lévesque (premier ministre 1976-1985) se reconnaissaient dans le discours des Premières Nations. Après avoir durement subit le rejet du Canada anglais et la force coloniale du système fédéral, René Lévesque ne voulait surtout pas faire subir le même sort aux Premières Nations. Ce n’est pas un hasard si le fondateur du Parti québécois a eu, et a toujours, une grande influence sur les relations Québec-Premières Nations. Cette influence se concrétise notamment en 2002, lorsque l’État québécois conclut avec le peuple Cri une entente dite « de Nation à Nation », communément appelée « La Paix des Braves ». Une entente similaire sera aussi conclue avec la Nation Inuite.

Il est évident qu’il y a toutefois deux côtés à cette médaille des relations autochtones-Québécois, puisque la cohabitation n’a pas toujours été harmonieuse. Il existe ce qu’on pourrait qualifier des « conflits de nationalismes ». Plusieurs québécois perçoivent encore les droits reconnus aux autochtones comme des menaces à l’identité québécoise, voire à son émancipation en tant que nation. Chez les nationalistes québécois, d’aucuns refusent aux peuples autochtones les mêmes aspirations que les leurs, certains nationalistes québécois percevant les Premières Nations comme des adversaires, en compétition pour le même territoire, pour les mêmes pouvoirs.

La crise dite « d’Oka » en 1990 nous donne un bon exemple de ce clivage entre nationalistes québécois ouverts aux autochtones et ceux qui les voient comme des menaces. Ce conflit qui concerne les revendications territoriales de la Nation Mohawk a pris une tournure nationale, voire même internationale. La Commission d’enquête mise sur pied par le gouvernement canadien pour étudier les causes de ce conflit a été l’une des plus importantes commissions d’enquêtes de l’histoire canadienne, produisant au final un rapport en cinq volumes, de plus de 4000 pages, et comprenant 400 recommandations.

Mais peu importe les opinions, force est de constater que l’évolution des droits des Premières Nations est intimement liée au mouvement souverainiste au Québec. Quand on place côte à côte la chronologie des droits des Premières Nations et celle du débat constitutionnel, la superposition symétrique est marquante. L’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 et son article 35, qui reconnait les droits ancestraux des peuples autochtones, en est un exemple parfait. Cette Loi est une réponse directe au référendum sur la souveraineté du Québec tenu en 1980.

Pour bien comprendre les enjeux et entrevoir l’avenir des droits des autochtones au Canada, il est donc intéressant de regarder l’évolution des rapports Nation québécoise-Nations autochtones. Ce regard nous permet également de constater l’importance fondamentale des nations autochtones dans la construction de la nation québécoise et de cette société distincte au sein du Canada.

  • Arnaud Chaniac : Regions within regions : l’espace des communautés anglophones québécoises depuis 1950

La désormais quadragénaire « loi 101 », adoptée au Québec le 26 août 1977, a été érigée en tournant majeur de l’histoire des communautés d’expression anglaise au Québec. Certains de leurs représentants, à l’instar de William Weintraub, y ont vu l’élément déclencheur d’un exil massif des anglophones hors de la Belle Province, ce qui n’est pas sans forcer le trait de ces migrations tout autant que de la fracture entre les « deux solitudes » dont elles pourraient témoigner. La promulgation de ce texte a mis en lumière, de manière somme toute assez brève, le caractère non monolithique de la société québécoise au sortir de la Révolution tranquille, et dont la composante nationaliste revendique fermement l’héritage canadien-français. Ce dernier s’accompagne d’une certaine vision de l’espace québécois, province dont les frontières enserreraient une communauté ethnique et politique, sur le modèle de l’État-nation du XIXe siècle européen. Or, chez les anglophones du Québec, une telle représentation de l’espace d’appartenance ne va pas de soi.

Nous nous proposons de revenir, dans cette communication, sur quelques traits permettant de caractériser l’espace des communautés d’expression anglaise au Québec, tout au long du second XXe siècle. Après avoir défini quelques critères permettant de délimiter ces groupes, nous caractériserons leur répartition géographique, en îlots de peuplement, et ses évolutions. Nous reviendrons ensuite sur les éléments définissant leur espace vécu, dont les frontières ne recoupent pas toujours les frontières politiques, ainsi que les représentations qui y sont afférentes. À partir de cela, nous nous demanderons dans quelle mesure ce faisceau de pratiques de l’espace va de pair avec une vision spécifique des identités communautaire, québécoise et canadienne, dans un pays marqué par « l’excès de géographie » proverbialement évoqué par W. L. Mackenzie King en 1936. Le cadre chronologique dans lequel s’inscrira notre réflexion s’ouvre avec les années 1950 : en effet, un rapport réalisé par Statistiques Canada (2010) nous permet de disposer de données démographiques et linguistiques fiables pour l’ensemble de la deuxième moitié du siècle. Ce faisant, et par-delà les représentations collectives, nous pourrons également mieux évaluer les conséquences effectives de la loi 101 sur l’espace des communautés anglophones du Québec.

  • Samantha Cook : Le local à la rencontre du monde dans Les quatre commères de la rue des Ormes de Louise Dandeneau

L’auteure franco-manitobaine Louise Dandeneau publie en 2016 un recueil de nouvelles intitulé Les quatre commères de la rue des Ormes. L’action des récits est située à Saint-Boniface, le quartier francophone de Winnipeg, une ville canadienne majoritairement anglophone. Bien que l’intrigue plutôt continue de la suite de textes ait lieu au début des années 70, une période intense de changements sociaux et culturels, les commères font partie de l’ordre établi d’une époque révolue. Ces dames échangent leurs ragots, ainsi que leurs jugements sur le comportement de leurs voisins dans une inconscience complète des réalités du monde qui les entoure. On se retrouve dans la cuisine de chaque commère à tour de rôle, et les compliments inspirés par les desserts servis avec le café semblent prendre autant de place que les réactions que suscitent les problèmes souvent graves des habitants de la rue des Ormes.

Chaque dialogue est suivi d’un texte qui évoque les nuances de la situation de la personne qui fait l’objet de la séance de commérage en question. Nous avons accès à sa vie intérieure à travers l’omniscience du narrateur à la troisième personne, ce qui met en relief les effets du racisme, de l’homophobie et de la violence conjugale, ainsi que de l’étroitesse d’esprit face aux atteintes à la bienséance. Le tableau qui en résulte est résolument actuel en dépit de sa surface rétro, et il a une portée qui dépasse de loin l’univers littéraire plutôt isolé de la rue des Ormes.   

J’analyserai le fonctionnement du voisinage comme site d’intersections de préoccupations locales et d’enjeux plus vastes dans le contexte des récits de Dandeneau. Quoique le statut minoritaire du français à Winnipeg puisse limiter l’envergure des réseaux qui lient les Francophones, voire fermer les cercles sociaux et professionnels, la littérature francophone issue de la région reflète le respect de la diversité qui permet aux Franco-Manitobains de participer à la vie culturelle sur un plan mondial. Je démontrerai que le va-et-vient entre les séances de commérage et les portraits nuancés et respectueux d’individus aux prises avec des difficultés qui affectent toute l’humanité évoque l’équilibre délicat chez les minorités linguistiques entre la préservation de la tradition et l’ouverture au monde.

  • Marie-Laure Dioh (Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada) : Régionalisation de l’immigration au Québec : Récits de vie des personnes immigrantes sur leur intégration sociale et professionnelle en région

Le Québec reçoit des milliers d’immigrants chaque année pour contrer le vieillissement de la population, la rareté de main-d’œuvre et assurer une viabilité à la langue française. Et dans cette continuité, la régionalisation continue d’être encouragée dans les politiques d’immigration (MIDI, 2019), attirant ainsi de plus en plus de personnes immigrantes hors des grands métropoles québécoises. Ces nouvelles populations en région restent pourtant méconnues. La présente recherche s’intéresse plus spécifiquement aux immigrants dans la région des Laurentides, loin des métropoles, mais attirante du fait des besoins croissants de main-d’œuvre, du faible taux de chômage (ISQ, 2019; Emploi-Québec, 2018) et des programmes d’attraction issus de la politique de régionalisation. Qu’en est-il du parcours d’intégration des immigrants qui y sont établis ? Sont-ils mieux intégrés socialement et professionnellement que les autres immigrants dans le reste du Québec ? Développent-ils un attachement à la région ? Les récits de vie des immigrants rencontrés, travailleurs qualifiés et réfugiés, soulignent de nombreux obstacles pour intégrer durablement le marché de l’emploi et la société d’accueil. Ils soulignent entre autres, des emplois de basse qualité, des services publics inexistants et un manque d’ouverture de la part de la population locale. Force est de constater que les défis d’intégration socioprofessionnelle restent entiers, malgré les politiques et programmes gouvernementaux, et les pratiques locales d’accueil. Les résultats de recherche permettent de mieux comprendre les enjeux liés à la régionalisation et les pratiques à favoriser pour un établissement durable de ces populations immigrantes en région.

  • Shoshannah Ganz : Canadian Gold Mining Literature and Regional Canadian Identity

This paper is part of a larger project that explores the impacts of experiential learning on student motivation, performance, and building of ethical frameworks. The students read two historical Canadian novels that explore the gold mining history of Dawson: Hume Nisbet’s The Revenge of Valerie: A Romance of British Columbia (1900) and Madge Macbeth’s Kleath (1917). They then visited the nearby mining museum, active gold mine, and spent some time in the community of Baie Vert. The class and this paper focus on how the regions of Dawson and Baie Vert have been historically constructed and how the regional identities of the places have been shaped by mining. The class and paper likewise assess the impacts of literary representation (or lack thereof) on the region and how tourism has impacted the on-going character of the place. The students and paper also consider how the larger concerns of the region (northern Canada/the Yukon/Dawson and eastern Canada/western Newfoundland/Baie Vert) have differently shaped the history and contemporary challenges of Dawson and Baie Vert. Finally, the students and paper address any number of historical and contemporary concerns related to gold mining including the impacts of the industry as they relate to racism; oppression of Indigenous peoples and abuse of land rights; the mistreatment and inequality of women; environmental impacts; and ethical concerns with poverty and marginalization of people in both Dawson and Baie Vert. The paper will assess the impacts of experiential learning on the students understanding of regionalism in Canadian literature and place and will consider how the visit to the mining sites in Baie Vert enhanced the motivation of the students, their performance, and their ethical consciousness about the inequalities facing and defining various regions in Canada. 

  • Karl S. Hele : Defining Indian Status, Belonging, and Citizenship Along the Canadian-United States Borderlands,c.1814-1951

Since 1814 First Nations living along the British-Canadian and United States border have foundthemselves increasingly defined by colonial-states policies while ignoring Indigenous communityand nationhood. The colonial-state definitions of ‘Indian” affect border populations in uniqueways. An American-Indian is not always seen as a British-Canadian-Indian and visa versa. Thesedefinitions are often dependent on ancestry, blood, and residency patterns. In my paper, I amproposing to use the Bawating or Sault Ste. Marie region as a case study of how definitions of‘Indian’ affected the First Nation’s community, specifically the Anishinaabeg, since the post-Warof 1812 period. This will include a discussion of preliminary definitions of ‘Indian’ in theaftermath of the conflict (c.1814-1850s), notions of residency in Canada’s Indian Act(1880-1951), followed by ever increasing governmental definitions of status (c.1860s - present),and how these broad categories have affected individuals. Simply, mypaper will examine theentanglements of identity, belief, residency, ancestry, policy, and legal definitions within theSault Ste. Marie borderlands and how these definitions have and continue to affect theAnishinaabeg whose homelands transect the border.

  • Gemey Kelly : Place and Standing in Canadian Art: The Discourses of Regionalism and the Nationalization of Culture in Canada, 1930–1967

My presentation considers the concept of place and why place matters in the study of visual art in Canada in the twentieth century.  Specifically, I consider the form of place-based signification inherent in the concept of regionalism as it functioned to assign value and meaning in Canadian art history in the period 1930 to 1967.   My inquiry is framed by the polysemy of “place” and “standing”––literally, figuratively and discursively––as geography, class, status, identity, legacy, representation and recognition. I consider how the concept of “regionalism” functions to stereotype certain art and artists as minor or conservative, within its anti-modernist tropes of the authentic and the Folk. I consider how the descriptor “regionalist” creates an Other, serving to define and classify, or declassify, certain places and people. Finally, in the context of regionalism’s discourses, I argue for an alternative history of art which concerns itself with regional difference, one which recognizes the lived experience of place, the local and the everyday.

In my paper I take the New Brunswick artist Jack Humphrey (1901–1967) as a case study in a research methodology that enables me to do two things: first, as it provides me with a lens through which to examine the concept of regionalism as it was formulated during the critical decades of the 1930s to the 1960s when the nationalization of Canadian culture was in full swing.  Secondly, I argue, attention to the nature and context of the individual’s life and its particularities offers the kind of rich discontinuities that can disrupt regionalism’s discursive truisms. The case study is an effective means of bringing together life and art as the lived experience of place and its differences, re-reading and restaging them by inserting situated knowledge and the local into art history’s interpretative frames.

  • James Kennedy : From Language to Laïcité: The Strange Death of Liberal Nationalism in Québec?

Bill 21, Loi sur la laïcité de l'État, passed by the Coalition Avenir Québec government in 2019, marks a break in the character of nationalism in Québec. This lecture seeks to understand this development historically. It examines shifting nationalisms in Québec over la longue durée charting their orientation to religion, language and secularism. Catholicism (often fused with language) was perhaps the defining feature of dominant nationalism in Québec for almost a century, from the defeat of the Patriotes to the onset of the Quiet Revolution. There were conservative (Tardivel, Groulx, Duplessis) and liberal (H Bourassa, Asselin, Laurendeau, Ryan) variants. This nationalism gave way to one solely oriented to the French language, which developed through the long Quiet Revolution, with versions compatible with federalism (Lesage, R Bourassa) and sovereignty (Lévesque, L Bouchard). It influenced Québec’s immigration policy, and bequeathed to Québec an approach to its immigrant communities, one that safeguarded the French language and was, therefore, distinct from Canadian multiculturalism: interculturalism. Curiously, then, the adoption of a republican-infused nationalism is novel (putting to one side the Patriotes), and suggests that nationalism in Québec has sought a new source of inspiration: France. This nationalism is evident in the Marois and current Legault governments. It challenged the liberal character of previous policy, specifically in relation to religious (Muslim) symbols, and identified a purported need to assert Quebec’s secular character. Does this development mean, as Gérard Bouchard suggested, an ‘end [to] a very successful combination of nationalism and liberalism?’

  • Christopher Kirkey – SUNY Plattsburgh : Peering Northward to Construct Canadian Identity: Why Canada?

Most serious approaches that seek to examine and explain Canada, especially those undertaken outside its borders by expatriate scholars, focus primarily on issues of process – i.e., how best to study Canada – and the identification of iconic personalities, symbols, and practices – i.e., who and what constitutes Canadian identity? The issue, David Taras suggests, in A Passion for Identity: Canadian Studies for the 21st Century, is “how to present the many realities of Canadian identity” (Taras 2001: 1). Canada, simply put, is viewed as an important and indeed distinctive point of comparative reference in a larger analytical framework. Canada is also approached as a puzzle or conundrum by scholars, seeking to explain periodic challenges such as those posed by the forces of political separation, regional economic disparities, or the nation’s historical record regarding the treatment of Indigenous peoples. While this grouping of lenses is useful in helping to understand Canada and shed light on its general image – especially when one utilizes empirical research for instructional purposes – they are insufficient as tools for understanding how best Canadian identity is intellectually conceived of, constructed, and pursued.

My approach towards and construction of all things Canadian – including undergraduate and graduate teaching, scholarship, and service to university life, professional academic associations, and community engagement – is rooted in one central inquiry: why Canada? Whether lecturing to a group of freshmen students or leading a graduate seminar, when seeking original research avenues and producing scholarly publications, launching meaningful program initiatives at a university, engaging with leading Canadian Studies academic associations, or offering public commentaries on current events involving Canada, constructing Canadian identity, I argue, is grounded in and rests on a foundational need to understand and explain why my home nation of Canada, as a focal point of analysis, merits scholarly time and attention. This singular point of reference has permeated my entire academic career. By first asking why, as opposed to who, how, what, and when, one deliberately avoids the normative temptation of overtly prescribing – as opposed to constructing – what Canadian identity is and how best to understand it. “Framing a particular “identity” effectively retards and biases the need for an objective, balanced approach to the very construction of Canadian identity; an intellectual process, in which one recognizes that the end product – i.e., what ultimately constitutes Canadian identity – is an expansive, decidedly inclusive multidimensional template (Palmer 2017: 16, emphasis added). This conference presentation documents how my intellectual approach to framing Canadian identity is rooted in investigating why Canada matters, and how my career and chosen professional pathways have demanded simultaneous engagement across multiple scholarly platforms over the years.

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La plupart des approches sérieuses qui cherchent à examiner et à expliquer le Canada, en particulier celles entreprises à l'extérieur de ses frontières par des chercheurs expatriés, se concentrent principalement sur des questions de processus - c'est-à-dire sur la meilleure façon d'étudier le Canada - et sur l'identification de personnalités, de symboles et de pratiques emblématiques - c'est-à-dire sur qui et quoi constitue l'identité canadienne? La question, suggère David Taras, dans A Passion for Identity: Canadian Studies for the 21st Century, est de savoir "comment présenter les nombreuses réalités de l'identité canadienne" (Taras 2001: 1). Pour simplifier, le Canada est considéré comme un point de référence comparatif important, voire distinctif, dans un cadre analytique plus large. Le Canada est également abordé comme un puzzle ou une énigme par les chercheurs, qui cherchent à expliquer les défis périodiques tels que ceux posés par les forces de la séparation politique, les disparités économiques régionales ou le dossier historique de la nation concernant le traitement des peuples autochtones. Bien que ce regroupement de lentilles soit utile pour aider à comprendre le Canada et à faire la lumière sur son image générale - surtout lorsqu'on utilise la recherche empirique à des fins pédagogiques - elles sont insuffisantes comme outils pour comprendre la meilleure façon de concevoir, de construire et de poursuivre intellectuellement l'identité canadienne.

Mon approche et ma construction de tout ce qui est canadien - y compris l'enseignement de premier et de deuxième cycle, les bourses d'études et le service à la vie universitaire, les associations universitaires professionnelles et l'engagement communautaire - sont ancrées dans une question centrale : pourquoi le Canada ? Qu'il s'agisse de donner des cours à un groupe d'étudiants de première année ou de diriger un séminaire d'études supérieures, de rechercher des pistes de recherche originales et de produire des publications savantes, de lancer des initiatives de programme significatives dans une université, de s'engager auprès d'associations universitaires d'études canadiennes de premier plan ou de commenter publiquement des événements d'actualité concernant le Canada, la construction de l'identité canadienne, selon moi, est fondée sur le besoin fondamental de comprendre et d'expliquer pourquoi mon pays d'origine, le Canada, en tant que point central d'analyse, mérite le temps et l'attention des chercheurs. Ce point de référence singulier a imprégné toute ma carrière universitaire.   En demandant d'abord pourquoi, par opposition à qui, comment, quoi et quand, on évite délibérément la tentation normative de prescrire ouvertement - par opposition à la construction - ce qu'est l'identité canadienne et la meilleure façon de la comprendre. "Le cadrage d'une "identité" particulière retarde et biaise effectivement le besoin d'une approche objective et équilibrée de la construction même de l'identité canadienne; un processus intellectuel, dans lequel on reconnaît que le produit final - c'est-à-dire ce qui constitue en fin de compte l'identité canadienne - est un modèle multidimensionnel expansif et résolument inclusif (Palmer 2017: 16, c'est nous qui soulignons). Cette présentation de conférence documente la façon dont mon approche intellectuelle pour encadrer l'identité canadienne est enracinée dans l'enquête sur les raisons pour lesquelles le Canada est important, et comment ma carrière et les voies professionnelles choisies ont exigé un engagement simultané à travers de multiples plateformes savantes au fil des ans.

  • Michael Poplyansky :L’émergence d’une identité territoriale dans l’Ouest canadien : le cas des Fransaskois

Depuis le début du vingtième siècle, les « Franco-Canadiens » de la Saskatchewan cherchent à se distinguer du reste du Canada français (Lalonde,1999). Plus récemment, la communauté fransaskoise fut la première à développer une stratégie d'immigration inclusive (Gallant, 2010) et demeure toujours la seule minorité francophone au Canada à avoir choisi un modèle de gouvernance démocratique (Landry et McNichol, 2018). Toutefois, elle demeure peu étudiée dans la littérature socio-politique et historique sur la francophonie canadienne.

Tout en tenant compte des éléments qui distinguent les francophones de la Saskatchewan depuis plus d’un siècle, cette communication vise surtout à identifier certains des facteurs qui ont contribué au déploiement d’une identité territoriale « fransaskoise » depuis l’éclatement du Canada français à la fin des années 1960. Il s’agit notamment d’une volonté de rupture générationnelle portée par les baby-boomers, d’une production culturelle et universitaire davantage centrée sur le territoire provincial, ainsi que l’émergence d’un réseau associatif provincialisé de plus en plus développé. La communication s’interrogera aussi sur les débats identitaires actuels en Fransaskoisie, notamment ceux entourant les immigrants récents, venus en grande partie d’Afrique. Nous évaluerons la manière dont l’identité fransaskoise est repensée dans le but d’apprivoiser une plus grande diversité et nous nous interrogerons sur les chances de succès de ces tentatives de (re)construction identitaire.

  • Benoît Raoulx, Université de Caen Normandie : De la "région" au "territoire"  :  une réflexion théorique et comparative sur des objets emblématiques de la géographie (France/Canada).

L’idée de cette communication est de poser des éléments de réflexion pour le colloque qui pourront être travaillés et discutés à la lumière des communications. Je partirai d’un point de vue situé « français », mais pour montrer que la mise en mot de l’espace, la circulation ou non-circulation transatlantique dans les  deux sens révèlent comment les sociétés produisent leur « espace », ce dernier étant entendu comme l’ensemble des dimensions  spatiales - y compris les  discours sur l’espace. Nous évoquerons ainsi les avatars de la géographie régionale française, difficilement transposable au Canada, la région métropolisée, bien adaptée à la place des grandes villes en Amérique   du Nord, mais qui ne tient pas compte de  dimensions sociales produites ; enfin, la région « espace vécu » qui rappelle l’usage du terme de « territorialité » au Canada. Puis nous évoquerons la notion de territoire, qui a connu une forte expansion sémantique en France dans les   années  1980, qui a en partie éclipsé le terme de région. Ce terme dont l’équivalent dans d’autres langues et contextes est problématique a suscité beaucoup de   débats.

  • Etienne Rivard : Vacuité régionale, métissitude et régime de légitimation territorialeau Canada

Les populations autochtones du Canada constituent sans nul doute, sur le plan culturel comme sur le plan identitaire, une mosaïque régionale des plus variée, expression d’une diversité qu’on oublie  trop  souvent,  cachée  qu’elle  est  sous  le  couvert  de  l’altérité  et  d’étiquettes  générales comme  «sauvages»,  «autochtones»  ou  «indigènes». Dans  ce  contexte,  on  ne  sera  nullement étonné que les peuples autochtones du Canada, dans leur quête de reconnaissance,puissent mettrede l’avant une telle diversité régionale. À  titre  de  peuple  autochtone  dûment  reconnu  pas  la Constitution, on pourrait arguer que les Métis–nés des métissages euro-indiens historiques–ne font  aucunement  exception.Or, s’il faut se fier à l’argumentaire  dominant  des  Métis, rien  ne saurait être  plus  faux.  Dans  les  faits,  la  notion même  de  «région»  (au  sens  de  la  région  perçue d’Armand Frémontnotamment)s’avère totalement absente du discours identitaire métis.Comme nous le verrons, en raison des rapports de force en cours au Canada, le discours spatio-identitairedes  Métis est  largement  façonné  par  le  régime de légitimation territoriale de l’État canadien, lequelvéhicule  l’idéeoccidentaleselon   laquelle   la   «nation» représente   le seul   organe territorialisé  digne  de  reconnaissance.  Au  vide  de  la  région,  s’oppose  donc l’intégralitédu territoire national et ancestral de la Nation métisse, laissant du même coup dans le floupolitiqueune plénitude de réalités métissesdiverses ainsi«ex-territorialisées».

  • David J. Rovinsky : Survivre à la révolution tranquille: la continuité

On a suggéré que l'élection de la Coalition Avenir Québec en 2018 représente un retour au conservatisme traditionnelcanadien-français, tel que pratiqué par l'Union nationale avant la Révolution tranquille. Nous soutiendrons dans ce texte qu'il s'agit d'une surestimation des faits. Cependant, la croissance du CAQ et ses priorités politiques au cours de ses premiers moisau gouvernement témoignent d'une certaine continuité entre le conservatisme contemporain au Québec et les formes de conservatisme plus anciennes qui dominaient la politique québécoise avant la Révolution tranquille.

Depuis 1960, il y a eu de véritables changements dans la société québécoise qui rendent impossible une renaissance non diluée du duplessisme. Le Québec du XXIe siècle n’est pas celui d’avant la Révolution tranquille. Cependant, une grande partie du legs intellectuel du Québec conservateur a survécu à la Révolution tranquille, même s’il a dormi pendant près de cinquante ans, alors que le Québec débattait de la réforme constitutionnelle et de l’indépendance.

Le travailexaminera ce qui est devenu le conservatisme québécois en énumérant et en explorant plusieurs thèmes de la pensée conservatrice avant la Révolution tranquille qui ont survécu au XXIe siècle. Ces thèmes incluent :

- la peur des étrangers, en particulier des immigrants juifs puis musulmans•l’accent sur les «valeurs traditionnelles québécoises»
- le désir de «pureté» de la société québécoise•la persécution de minorités ethniques et / ou religieuses, depuis les attaques de l'UN contre les Témoins de Jéhovah jusqu'à la loi sur les symboles religieux de la CAQ
- les dichotomies urbaines / rurales, avec un soutien plus fort au Québec rural qu'à Montréal
- le profil démographique similaire des électeurs qui soutiennent ou qui ont soutenu l'ONU et la CAQ
- la renaissance du populisme et des dirigeants populistes•les attitudes envers le Canada et les États-Unis

  • Emmanuelle Santoire, Doctorante en géographie, laboratoire UMR 5600 CNRS –EVS (Environnement, Ville, Société), Ecole Normale Supérieurede Lyon : Les effets de l’AECG sur la gouvernance énergétique canadienne,

Au Canada, la signature de l’AECG (Accord Economique et Commercial Global) engage pour la première fois la responsabilité des échelons fédéral, provincial et municipal. En cela, l’accord affecte  directement  le  développement  territorial  en  ouvrant  les  marchés  publics  à  la concurrenceeuropéenne.  Ce  travail  enquête  sur  les  effets  d’un  accord  de  commerce international  dit  compréhensif  sur  la  gouvernance  des  «  systèmes  énergétiques  »  et  leur organisation  spatiale  au  Canada.  Contrairement  à  une  idée  communément  répandue,  ce travail  insiste  sur  la  présence  importante bien qu’implicite d’enjeux  énergétiques  dans l’accord. J’y défends l’idée que la négociation puis la mise en place de l’AECG éclairent des questions majeures liées aux schémas de gouvernance et de responsabilité énergétiques auCanada et en particulier la notion de fédéralisme énergétique. Issue d’une enquête de terrain géo-légale menée en Alberta, Ontario et Québec, cette contribution questionne tout d’abord l’organisation des compétences constitutionnelles liées à l’énergie etses marchés au Canada. Puis, elle invite à réfléchir aux effets de l’AECG sur les changements contemporains d’équilibre de  pouvoirs  entre  juridictions  provinciale,  fédérale  et  internationale -un  enjeu  de  prime actualité à l’heure où la mise en place d’une gouvernance fédérale et unifiée des émissions carbone a déjà ouvert trois procès en Alberta, Saskatchewan et Ontario. Enfin, elle questionne les effets de l’AECG dans l’organisation spatiale des systèmes énergétiques puisque l’accord est présenté comme un outil de gouvernance bien plus large que strictement commercial et entendu  comme  le  futur  modèle  des  négociations  internationales.  Pour  cela,  l’étude développe une méthodologie originale croisant analyse textuelle de l’accord et analyse qualitative d’un corpus  de  trente-et-un  entretiens  menés  entre  février  2018  et  septembre 2019. Le projet est issu d’un programme de recherche franco-canadien (Université de Lyon –Queen’s  University)  lancé  en  2018  et  a  pour  but  d’interroger acteurs  décisionnels  et communautés scientifiques sur les tensions potentielles autour de lagouvernance territoriale des systèmes énergétiques, entreleurrèglementation par le droit et leur imbrication dans des stratégies économiques.

  • Martin Simard : Les enjeux et défis de la gouvernance biculturelle : l’exemple du gouvernement régional de l’Eeyou-Istchee ̶ Baie-James (GREIBJ)

Après quelques années de discussion, le nouveau gouvernement régional de l’Eeyou-Istchee ̶ Baie-James entrait en fonction le 1 janvier 2014. Cette instance administrative de type « Municipalité régionale augmentée » a succédé à la municipalité de la Baie-James pour gérer les terres de catégories 2 et 3, selon le système institué par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Il s’agit d’une administration mixte dont le conseil d’administration est composé à parts égales d’autochtones et d’allochtones. Même si les Cris conservent en parallèle un gouvernement de la nation crie et que les deux communautés maintiennent des structures politico-administratives locales indépendantes, l’expérience se veut originale par son caractère biculturel. En effet, ces deux populations, qui se côtoient sur le terrain, étaient jusqu’alors administrées par des instances régionales distinctes, ce qui limitait les échanges et les possibilités de partenariats.

 Malgré la stricte délimitation du territoire régional selon des « catégories de terres », bien des enjeux d’aménagement, de développement ou d’environnement transcendent ces frontières largement artificielles. Par exemple, il y a les enjeux communs de la construction d’infrastructures, du développement minier, de l’exploitation de la forêt ou de l’aménagement d’aires protégées. Après sept années d’existence, plusieurs interrogations s’imposent sur le gouvernement régional : Comment s’est déroulée la transition du mode de gouvernance à partir des équipements et du personnel de la défunte municipalité de la Baie James ? Est-ce que les questions discutées en conseil ainsi que les décisions illustrent un esprit de collaboration ou une atmosphère de tensions ? Est-ce que la cohabitation biculturelle produit des idées ou des solutions originales aux défis de la région ? Les démarches du gouvernement régional sont-elles restreintes aux obligations minimales ou se révèlent-elles innovantes ? Sur le plan méthodologique, une revue de littérature sera suivie d’une analyse de contenu des procès-verbaux des réunions du Conseil du gouvernement régional, entre 2014 et 2018.

  • Sheena TRIMBLE (Université catholique de l’Ouest) : Le régionalisme canadien au féminin : revendications de femmes à propos des politiques de l’immigration (1945-1967)

Entre 1945 et 1967, le Canada accueille une des plus importantes vagues d’immigration de son histoire : presque trois millions d’immigrants. Bien que l’Ontario soit la destination la plus choisie, le nombre d’immigrants est si élevé que toutes les provinces sont affectées par cette vague. Malgré l’importance de ce mouvement, les provinces ne font pas valoir leur droit de s’impliquer dans les politiques d’immigration d’une façon soutenue et significative. Le gouvernement fédéral est à la manœuvre ; les provinces n’agissent que par initiatives ciblées et ponctuelles. Cette communication ne cherche pas à interroger les relations fédérales et provinciales en matière d’immigration mais à mettre au jour les interventions de certaines de leurs citoyennes.

Malgré des représentations de l’époque où elles sont perçues comme peu impliquées dans les questions politiques, les femmes s’intéressent à l’arrivée des nombreux immigrants et cherchent à transmettre leurs opinions aux décideurs politiques. Leurs interventions ciblent souvent, mais pas toujours, le gouvernement fédéral, ce qui ne renvoie pas à la question régionale. C’est à travers leurs voies d’implication et d’action qu’entre en jeu le régionalisme. L’implication dans des associations de femmes est souvent privilégiée comme voie permettant d’exprimer des avis sur des politiques d’immigration. Les associations de femmes, comme le Conseil national National Council of Women of Canada, par exemple, sont souvent organisées régionalement : il existe des sections locales et provinciales chapeautées par l’organisation faîtière au niveau national.

Lorsque les associations interviennent auprès des gouvernements, elles le font au niveau des politiques en question : municipales, provinciales ou fédérales. S’il s’agit d’une politique fédérale, les sections du niveau inférieur envoient leurs avis ou revendications au niveau supérieur jusqu’à l’organisation nationale. Celui-ci doit alors rassembler les opinions avant d’intervenir auprès du gouvernement fédéral. La question est de savoir, à l’époque et sur la question de l’immigration, à quel degré les intérêts régionaux compliquent la tâche de collecte des opinions et à quel degré les organisations nationales de femmes réussissent à représenter la diversité d’opinions qui existe dans le pays. Cette communication propose ainsi une analyse de régionalisme au féminin par le biais d’une question politique souvent clivante, y compris le long des fractures régionales

 

 

 

 

 

 

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